22/11/2017 : Témoignage

... quelques mots d'Elodie envoyés cet après-midi.
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A Fred,

A ma famille, 

A mes amis,
A ma mécène (😉),

A mes collègues,
A mes partenaires Atlanbio, Ozyme, Evoscience, Shimadzu et Atlanstat,

A mes partenaires techniques AD Nantes et Helly Hansen,

A tous ceux qui ont suivi de près ou de loin le projet …

 

Ça y est, je l’ai fait, j’ai traversé l’Atlantique en solitaire sur ma coque de noix de 6m50 !

La préparation fut intense, souvent prise avec joie et parfois rude. Mais cela en valait la chandelle.

Des surprises, il y en a eu et je ne m’attendais pas à en vivre autant.

Des coups durs il y en a eu et je ne pensais pas que cela m’affecterait à ce point.

Des émotions il y en a eu…et je ne pensais pas en vivre d’aussi fortes !

Le coup d’envoi de la seconde étape est donné le 1er Novembre devant la Baie de Las Palmas à Gran Canaria. 3000 Milles nautiques nous séparent de l’arrivée, prochaine terre où je pourrai toucher pied à terre. 

Motivée, prête à en découdre, je réussis à accrocher un petit groupe de pogo 2 sur le devant de la flotte. Mon livre de bord indique au Large du Cap Blanc « Crevée, ils ont un rythme infernal devant ». Ma vie est alors bien rythmée entre les siestes de 20 minutes, le réglage du bateau, l’alimentation et la prise du bulletin météo à la BLU. Manu Poki me livre des vitesses étonnantes, j’en suis ravie. 

Mais ce soir là, la course bascule…nous sommes à 60 Milles nautiques (115 Km) du Cap Vert, 22 nœuds de vent, cap au 235°, spi Médium, GV arrisé. Installée à la bannette, c’est alors qu’un énorme « BAAANNG » retentit. Je sors en catastrophe, le bateau part à l’abattée (position très indélicate) : il est couché et j’ai juste le temps de fermer la porte avant qu’il ne se remplisse d’eau. La ferrure de safran (ce qui permet de diriger le bateau) vient de lâcher. Le spi claque à 6m de haut, les écoutes ébranlent les haubans, l’étai, les bastaques. A chaque instant, je me demande s’il vaut mieux perdre le mat ou libérer le spi alors laissé à jamais au milieu de l’Atlantique. Méthodiquement je me parle, je me conseille, je m’ordonne. Centimètre par centimètre, je parviens à récupérer le spi sans accroc. Epuisée, je m’attaque à la frontale à la réparation du safran qui me prit toute la nuit ou presque en jouant avec les tournevis, clefs diverses et perceuse. Peur, stress, angoisse, perte de confiance en soi…je me remets en route.

Le coup du sort se répète 3 jours après avoir passé le Cap Vert sur l’autre safran. La mer croisée du Grand Large me fera batailler 37h pour réussir à refixer le safran à l’arrière du bateau. J’envisage toutes les solutions, dessine les montages sur papier avant de les réaliser, fixe des palans de stabilisation…tout y passe.

Fragilisée, mon objectif reste intact : laisser derrière mon sillage cet Océan et prendre du plaisir…surtout…

Les surfs reprennent (17,8 nœuds 😊), le bateau glisse sur la houle de l’Atlantique, le ciel étoilé me fait rêver des nuits entières. Je fais corps avec mon bateau, je suis bien avec lui, je suis ses mouvements, sa cadence, ses douleurs. Isolée, sans aucune communication possible, je comprends que la relation humaine représente l’essence même de l’existence.

Le point Némo de Ma Transat : 1000 milles nautiques de toute terre, l’océan à perte de vue. Je serai en Martinique avec Manu Poki quoiqu’il en soit. Des bleus plein le corps, les mains abimées, les fesses fragilisées auxquelles j’accorde une attention toute particulière, je prends la mesure de la chance que j’ai de vivre une telle aventure. Du plaisir, il y en a, beaucoup, beaucoup…

La Terre se rapproche, la gorge se noue, les émotions explosent et pour cette dernière soirée en mer j’ai envie que le temps s’arrête là, pendant ce coucher de soleil où le bateau file sous Code 5 vers la Martinique….

L’arrivée est magique, mon père, les copains, les fleurs, les petits mots et dessins venus de France…Je suis encore abasourdie par toutes ces attentions et peu de mots peuvent décrire ce que je ressens.

J’ai laissé l’Océan Atlantique derrière mes safrans !!

Un immense merci à vous tous !

 

Elodie

 

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